Les Australiens descendent-ils vraiment de bagnards anglais ?

Selon une légende, les Australiens descendraient de prisonniers anglais que la couronne aurait envoyés à l’autre bout du monde pour s’en débarrasser.
Cette légende est-elle vraie ou n’est-elle qu’une pure invention ?
L’exode rural des miséreux anglais
Le mouvement des enclosures qui s’achève à la fin du XVIIIème siècle, et les innovations technologiques qui apparaissent pendant la révolution industrielle poussent un grand nombre de paysans à rejoindre les grandes villes. Dans les grandes agglomérations, les conditions de vie des citadins sont terribles, le travail des enfants est encore légal et les salaires des ouvriers ne permettent qu’à peine de survivre. Nombre d’habitants des taudis sont obligés de voler pour se nourrir. En Grande-Bretagne, la délinquance est tellement importante que la couronne ne sait que faire de ses nombreux hors-la-loi qui n’ont pas commis d’acte assez grave pour mériter la peine de mort. Avant l’indépendance des États-Unis, une partie des voleurs, des prostituées et des petits délinquants, dont certains n’étaient que des enfants s’étant bagarré, était envoyée dans les colonies américaines, tandis qu’une autre partie s’entassait dans les prisons du royaume. Certaines prisons consistaient même en des bateaux hors d’usage, transformés en geôles flottantes. L’Australie, pourtant déjà peuplée d’aborigènes qui n’avaient rien demandé à personne, a semblé être à la couronne britannique un bon endroit pour se débarrasser de ses « indésirables ».
1788, les premiers condamnés arrivent en Australie
Le 26 janvier 1788, après avoir passé huit mois en mer, les 11 bateaux de la First Fleet accostent sur les rivages de la Nouvelle-Galles du Sud. Parmi les 1000 passagers que comptent les navires, 736 sont des bagnards, appelés convicts. La colonie pénitentiaire, installée à l’emplacement de l’actuelle Sidney, doit être édifiée par les déportés à partir de rien. Bien que l’installation soit difficile pour les convicts qui manquent de connaissances techniques pour pratiquer l’agriculture sur ces sols pauvres, la couronne britannique envoie de nouveaux prisonniers sur l’île. Les nouveaux bateaux, en plus de condamnés de droits communs transportent des républicains irlandais mais aussi certains des premiers syndicalistes, comme les martyrs de Tolpuddle. Selon l’anthropologue Bastien Bosa, entre 1788 et 1868, plus de 160 000 condamnés ont été envoyés en Australie. Si des colons libres arrivent aussi dans les colonies australiennes, les déportés sont tellement nombreux qu’on estime qu’en 1841, trois habitants sur cinq de la Nouvelle-Galles du Sud avaient été déportés. Au milieu du XIXème siècle, la Grand Bretagne cesse d’envoyer ses repris de justice à l’autre bout du monde et l’immigration dans les colonies australiennes change.
Élevage de mouton, ruée vers l’or et Seconde Guerre mondiale
Les colonies australiennes voient de nouveaux immigrants arriver sur ses côtes. Dès que le franchissement des montagnes bleues à l’ouest de Sydney est réussi, au cours de la première partie du XIXème siècle, le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud encourage l’immigration de colons libres. Il voit dans les grands espaces à l’ouest de Sydney un potentiel immense à coloniser. Les colonies deviennent également productrices et exportatrices de laine mérinos et les élevages de moutons se multiplient. Des migrants arrivent dans l’espoir de faire fortune avec la laine Mérinos. La découverte d’or en 1851 sur l’île va provoquer la ruée vers l’or australienne et une arrivée massive de migrants. Pendant la dizaine d’années que dure cette ruée vers l’or, 600 000 immigrants débarquent sur l’île en provenance du monde entier, parmi eux, 40 000 Chinois. Des centaines d’Afghans viennent également en Australie, où ils travaillent comme éleveurs de chameaux ou sur la ligne télégraphique trans australienne ainsi que sur les lignes de chemin de fer dans l’intérieur aride de l’île. Mais c’est pendant les quatre décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale que l’immigration a été la plus importante en Australie. Disposant d’un territoire vaste, peu peuplé et ayant besoin de main d’œuvre pour développer son économie, les dirigeants australiens ont mis en place des mesures afin de favoriser la venue de nouvelles personnes dans le pays. Ainsi, certains migrants ont pu bénéficier de dons de terrains ou d’une aide au transport. Entre 1945 et 1985, 4,2 millions de migrants sont arrivés en Australie.
Un héritage choyé
Ainsi, les vagues d’immigration qui ont suivi la période des convicts ont joué pour beaucoup dans la démographie de l’Australie. Mais si les Australiens ne descendent pas tous de prisonniers déportés, une bonne partie de la population, qu’il est difficile de quantifier, descend d’au moins un des convicts arrivés entre 1788 et 1868. Si pendant longtemps ce passé a été considéré comme un héritage honteux, cela n’est plus le cas aujourd’hui. Les motifs souvent insignifiants des déportations rendent cet héritage tout à fait acceptable. Nombre d’Australiens fouillent aujourd’hui leur généalogie en espérant y trouver un ancêtre convict. L’ancien Premier Ministre australien Kevin Rudd a, lui, appris de chercheurs qu’il descendait de deux convicts. Du côté maternel il descend d’une femme condamnée à la peine de mort à Londres, mais qui avait finalement été envoyée en Australie. Le crime de cette femme, commis à 12 ans, avait été d’avoir volé les vêtements d’une autre enfant. Du côté paternel, Kevin Rudd, descend d’un voleur de sucre.
L’Australie a obtenu le classement de 11 bagnes à la liste du patrimoine mondiale de l’Unesco. Aujourd’hui, ces sites sont devenus des musées et il est possible de visiter la prison de Fremantle à Perth, l’établissement de Port Arthur en Tasmanie ou encore les baraquements d’Hyde Park qui en leur temps ont « accueilli » des prisonniers anglais et donc une partie des ancêtres des Australiens.