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Pourquoi le Costa-Rica n’a-t-il pas d’armée ?

Pourquoi le Costa-Rica n’a-t-il pas d’armée ?

Le Costa Rica, petit pays d’Amérique centrale, se distingue par une particularité étonnante : il n’a pas d’armée. Depuis plus de 70 ans, le pays a décidé de renoncer à cette institution qui paraît pourtant essentielle dans un monde heurté par les conflits. Cette décision peut sembler d’autant plus surprenante que l’Amérique centrale est une zone qui a souvent été malmenée par les guerres, l’impérialisme des États-Unis et les coups d’État. Pourtant, c’est bien le choix qu’a fait ce petit État d’environ 5 millions d’habitants, inspirant par la suite d’autres pays.

L’histoire d’une abolition

En 1948, des élections présidentielles se déroulent dans le pays. Sur la base de résultats reçus avant le décompte de l’ensemble des voix, le tribunal électoral valide la victoire du candidat social-démocrate de l’opposition, soutenu par les communistes et l’Église. Mais le congrès, dont la majorité des membres est proche du président conservateur en exercice s’oppose au tribunal électoral. Un recomptage des voix apparaît comme la seule issue possible, mais une partie des bulletins de vote a été réduite en fumée à la suite d’un incendie d’origine inconnue. Le candidat de l’opposition est bien vite désigné comme coupable et est arrêté. Commence alors une guerre civile entre trois blocs différents. Le premier rassemble  les partisans du candidat conservateur soutenu notamment par l’armée. Le deuxième bloc rassemble les milices populaires du Parti communiste et des syndicats. Le troisième bloc est lui composé des partisans de José Figueres, un grand propriétaire agricole défendant des idées progressistes. 

José Figueres – qui sera plus tard surnommé Don Pépé – a déjà été contraint à l’exil pendant 4 ans pour son opposition au candidat conservateur. Il s’arrime à la légion des Caraïbes, un groupe rassemblant des rebelles ayant pour but de renverser les dictatures d’Amérique centrale.

C’est lui qui remporte la guerre civile. Celle-ci aura duré six semaines et fait près de 1000 morts. José Figueres prend temporairement la tête de l’État costaricain et tout en interdisant le Parti communiste et les syndicats auxquels il s’oppose, il met en place de nombreuses mesures progressistes : les banques sont nationalisées, les afro-descendants obtiennent la citoyenneté, et il supprime l’armée en tant qu’institution permanente, la remplaçant par une garde civile.

Les bienfaits de l’abolition

En supprimant l’armée, José Figueres Ferrer rend impossible un putsch militaire ou une guerre civile qui opposerait la population à l’armée. En Amérique centrale, les armées sont davantage associées aux conflits internes et putsch qu’aux conflits contre des puissances extérieures, même si des guerres entre pays voisins peuvent avoir lieu dans cette région. 

D’ailleurs, depuis 1948, la plupart des pays voisins du Costa Rica ont connu une guerre civile. Au Nicaragua, la victoire de la guérilla Sandiniste en 1979 contre la dictature en place a immédiatement été suivie par une nouvelle guerre civile entre sandinistes et antisandinistes. Au Salvador, la guerre civile qui a duré de 1979 à 1992 a provoqué la mort d’environ 75 000 Salvadoriens tandis qu’au Guatemala 200 000 personnes sont mortes pendant les 30 ans de guerre civile.

Si on ne s’intéresse plus seulement à l’Amérique centrale mais à toute l’Amérique latine, les personnes mortes suite à des putschs ou des guerres civiles se comptent en centaines de milliers.    

En plus d’avoir protégé les Costaricains contre leurs militaires, la suppression de l’armée a permis au pays de pouvoir réinvestir le budget de l’armée dans l’éducation et la santé. Aujourd’hui, selon la banque mondiale, le PIB du Costa Rica par habitant est deux fois plus important que celui du Guatemala et près de 4 fois supérieur à celui du Nicaragua.

Convaincus du bien-fondé de cette mesure, les Costaricains l’ont confirmée à 90 % lors d’un referendum en 1985.

Mais que faire en cas de menaces ?

En 2010, le Nicaragua a envahi une île appartenant à ce pays sans armée. Si le Costa Rica y a envoyé des policiers et des gardes-frontières, il s’est surtout appuyé sur le droit international pour faire respecter sa souveraineté territoriale. La Cour internationale de justice, saisie par le Costa Rica, a tranché en 2013 en sa faveur, affirmant que le Nicaragua avait violé sa souveraineté. Elle a ordonné au Nicaragua de retirer ses troupes de la zone, ce que ce dernier a fait.

Pour leur défense, les Costariciens s’appuient aussi et surtout sur un réseau d’alliances important. Le pays fait partie de l’Organisation des États Américains (OEA) qui lui assure le soutien, entre autres, des États-Unis en cas d’agression. Les États-Unis sont un pays allié et ils ont soutenu le Costa Rica pendant la tentative d’invasion du Nicaragua.

Convaincu par la politique du Costa Rica, Le Panama lui a emboîté le pas et ne possède plus d’armée depuis 1994. Espérons que le temps passant, la stratégie costaricienne fasse de plus en plus d’émules.


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